Bilan : le fossé d’Alsace, une marge passive

Le bilan proposé ne vise qu’à donner des idées d’interprétation  à la portée d’élèves de 1°S.
Il s’agit d’un exemple « concret » dans la mesure où sont accessibles à des élèves : le terrain, des cartes géologiques, des échantillons. Il est nécessaire d’opérer des choix parmi les pistes proposées.
L’histoire géologique qui nous intéresse peut débuter à l’ère secondaire avec des dépôts pré rifts (Jurassique et Trias à influence marine). La fin de l’ère secondaire (Crétacé) et le début de l’ère tertiaire (Eocène inférieur) sont marqués par l’absence de dépôts marins (régression) et par des traces de karst (argile, minerai de fer pisolithique) et quelques  dépôts lacustres locaux. C’est le signe d’un début de bombement de la région.

La sédimentation est très importante au centre du bassin : la succession des séries salifères correspond à environ 1700m de dépôts. Ceci n’est possible que par une subsidence importante synrift qui s’est déroulée en milieu lacustre sursalé. Philippe Durringer montre d’après des données paléoécologiques, isotopiques et minéralogiques l’ « Origine continentale des évaporites d’Alsace ». Cette sédimentation, invisible en surface, est connue par les sondages liés à l’exploitation des roches salines.  Les apports de sodium-potassium résultent de l’érosion-altération du Trias: Keuper à sel gemme et aussi du granite dont les feldspaths potassiques ont pu libérer le potassium.

Qu’en est-il en bordure de ce bassin lacustre ? Cas des conglomérats : Le jeu de failles N-S (accompagné localement de basculement de blocs observables à proximité d’Ingersheim) conduit , à une subsidence et à une surrection de reliefs de plus de 1000m sur le pourtour du bassin. Cette situation  réunit 2 conditions à une importante sédimentation détritique :  un réceptacle (bassin subsident)  et des reliefs productifs éventuels de matériel détritique. Comment s’effectuent les apports ?

La présence de galets indique un transport dans l’eau, le fait qu’ils soient mal triés et de grande taille (à Turckheim) est le signe d’un apport torrentiel.  L’étude des paléocourants montre l’existence de torrents qui convergent depuis les Vosges, ou la Forêt Noire ou le Jura vers le bassin. Ces torrents transportaient du matériel mature (usé) issu de l’érosion des reliefs constitués de roches jurassiques puis triasiques au fur et à mesure de la progression du décapage des formations prérifts  La présence de matériel de grande taille immature (peu ou pas usé) est le signe de blocs effondrés dans le cours de ces torrents qui s’écoulaient dans des zones de relief abrupt : des canyons. Les zones de dépôts correspondaient  à des deltas en éventail (fan-delta). L’épaisseur des dépôts  (200m) est aussi le signe d’une subsidence. Les apports torrentiels conduisent localement à un régime d’eau douce.

A Rouffach, la sédimentation  plus fine (grès calcaire, marne) est le signe d’un éloignement de la zone d’apports (bordure du delta). De plus, la présence de rides d’oscillation et de stromatolites (résultat de l’activité microbienne de Cyanobactéries photosynthétiques qui  se développent à la lumière et donc dans une faible épaisseur d’eau limpide à faible charge en sédiments) sont aussi des arguments pour un dêpôt en milieu calme (lacustre). Ces Cyanobactéries vivaient dans l’eau douce. Les dépôts à caractères rythmés sont expliqués  par des phénomènes climatiques.

A Altkirch, la sédimentation fine, la présence de roseaux, de moustiques, de racines en position de vie et de stromatolites indiquent un milieu lacustre.

Les dépôts du Belfortais (à Réchésy par exemple) ont des caractéristiques intermédiaires entre ceux de Turckheim et ceux de Rouffach.
Ce n’est qu’à l’Oligocène moyen qu’interviendra une transgression marine au sens strict avec les dépôts de couches à foraminifères, à Amphysiles (Froidefontaine par exemple) puis à Mélettes, et enfin à Cyrènes. Ces dépôts de plus de 300m dans la partie centrale du bassin sont encore le signe d’une subsidence.

bil2

Remarque : Il s’agit aussi d’un exemple qui montre que la sédimentation correspond parfois à une « montre molle » : les dépôts varvés de la carrière d’Altkirch se mettent en place à raison de moins de 1mm par an alors que les dépôts conglomératiques ont pu se mettre en place à raison de plus de 1m en 1 jour.

En guise de conclusion : un peu d’actualisme :

1- La région du rift d’Asal (République de Djibouti) montre sur la carte géologique, outre de l’eau (mer et lac Asal) et d’importante formations volcaniques à disposition symétrique :

des failles parallèles
des dépôts importants de conglomérats continentaux (en terrasses ou en couverture de glacis du pléistocène à actuel)
des dépôts de halite lacustre Holocène supérieur sur la bordure NW du lac, et de gypse lacustre holocène supérieur sur le pourtour du lac (dont la surface se situe à -150m environ)
des sédiments lacustres dont des calcaires Holocène.
Il y a donc de nombreuses similitudes avec le fossé alsacien, ce dernier ne présentant cependant que peu de volcanisme.

2- En Californie, le secteur de la vallée de la mort (Death Valley) parallèle à la côte californienne s’étend sur plus de 100km NS et moins de 10km EW, il  présente également des similitudes :

deathval

La vallée est actuellement en partie occupée par un « lac » sursalé (-86m au niveau de Bad Water) vers le centre de l’image où se déposent des « évaporites » (sel gemme, borax, …). Un sondage a traversé plus de 300m de sédiments dont des niveaux de sel gemme sous Bad Water. Le niveau du « lac » est plus bas que celui qui était présent jusqu’à -10500 ans. L’image est prise depuis le pied des Black Moutains à l’est et montre, à l’arrière plan, la chaîne de Panamint Range (à l’ouest) qui culmine à plus de 3000m. De cette chaîne descend un des nombreux torrents (à sec) dont le cône fluviatile s’étale au pied d’un petit édifice basaltique récent (noir sur l’image). Certains de ces cônes atteignent quelques km de large pour une épaisseur de plus de 400m.

La marge passive alsacienne pouvait ressembler un peu à ce paysage (mais moins aride) vers 35Ma.

Dans les chaînes de montagne , il est aussi possible de retrouver des caractéristiques analogues et de mettre ainsi en évidence la présence d’un ancien rift. Dans les Alpes, les brèches du Mont Dollin dans le Valais présentent des caractéristiques comparables à celles des conglomérats alsaciens mais elles datent du Jurassique (ouverture d’un rift dans la Pangée). Ceci concerne alors le programme de TS (Convergence lithosphérique)

Bibliographie:

– apbg Congrès international APBG 2000
– apbg Congrès de Strasbourg APBG 2003
– Carte géologique et notice : Belfort 1/50 000 BRGM
– Carte géologique du rift d’Asal. Ed BRGM, coéditée par CNRS
– Ph Durringer : Les conglomérats des bordures du rift cénozoïque Rhénan. Dynamique sédimentaire et contrôle climatique. Thèse d’Etat. Université de Strasbourg. 1988
– Ph Durringer : Origine continentale des évaporites d’Alsace. Université de Strasbourg
– Ph Durringer : Anatomie, faciès et dynamique d’un fan-delta en contexte de rift intracratonique (rift oligocène, fossé rhénan, Alsace). Université de Strasbourg.
– M. Marthaler : Le Cervin est-il africain ? Loisir et Pédagogie S.A., Lausanne 2001.

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