A- Mathay : un paysage actuel
A une douzaine de kilomètre au Sud de Montbéliard, la commune de Mathay se situe sur la vallée du Doubs, en bordure du massif du Jura.
La faune et la flore actuelles, étroitement liées à l’activité humaine, se développent sous un climat tempéré humide de type atlantique … à tendance continentale.
Si le fond de la vallée du Doubs est essentiellement réservé à l’agriculture, les pentes plus fortes présentent de nombreux éboulis où se développent des hêtraies-chênaies calcicoles.
Voici quelques exemples d’animaux et de végétaux que l’on peut rencontrer actuellement :
Phylums |
classes |
exemples |
Annélides |
lombrics |
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Mollusques |
Lamellibranches |
Moules d’eau douce |
Gastéropodes |
Escargots |
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Arthropodes |
Arachnides |
Araignées |
Crustacés |
Crevettes d’eau douce |
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Myriapodes |
Milles pattes |
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Insectes |
Mouches |
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Vertébrés |
Batraciens |
Salamandres |
Poissons |
Goujons |
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Reptiles |
Couleuvres à collier |
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Oiseaux |
Merles |
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Mammifères |
Chevreuils |
exemples |
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Algues |
Chlorelles |
Champignons |
Chanterelles |
Bryophytes |
Mousses |
Gymnospermes |
Sapin |
Angiospermes |
Coquelicots |
La commune de Mathay s’est développée sur les alluvions du Doubs. Ceux-ci reposent sur les marnes et les calcaires du Jurassique supérieur.
Sur la rive droite du Doubs, les marnes oxfordiennes sont surmontées par des argiles et des calcaires à chailles de l’ Argovien puis par des calcaires du Rauracien qui forment une falaise puis par des calcaires et des marnes du Kimméridgien.
B- Mathay : un paysage ancien
1- Les marnes oxfordiennes de Mathay
Le Doubs creuse son lit dans les marnes de l’Oxfordien inférieur. Ce sont des marnes bleues qui par endroit sont masquées par des sables et des galets témoins de l’activité de la rivière.
Ce sont des marnes compactes, stratifiées, de consistance très dure.
A l’air libre, elles se désagrègent et ont un aspect terreux. Devenues très friables, elles provoquent des glissements de terrain rapidement recouvert par une végétation de prêles.
Les marnes sont des roches sédimentaires détritiques, terrigènes, formées d’un mélange de calcaire et d’argile (pour 35 à 65%). Elles se forment en domaine marin et résultent de l’accumulation de minéraux argileux issus de l’érosion des continents voisins. Les particules calcaires sont issues de la précipitation des sels minéraux (Ca++ et CO3—) par des organismes planctoniques (foraminifères, algues microscopiques). Après compaction, ces boues argileuses, plus ou moins riches en calcaire, se transforment en marnes.
Pendant les périodes de crue, le Doubs érode ses berges et met à jour d’innombrables fossiles. La faune est essentiellement composée d’ammonites souvent à l’état pyritisé ; d’autres groupes sont également présents mais par un nombre réduit d’individu. La flore est cantonnée à des fragments de bois fossilisés.
2- Les fossiles rencontrés
Phylums |
classes |
exemples |
Vertébrés |
Poissons |
Dent de Sélacien |
Brachiopodes |
Térébratula stutzii |
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Annélides |
Terriers de vers |
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Echinodermes |
Crinoïdes |
Pentacrinus pentagonalis |
Hémicédaris crénularis |
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Mollusques |
Lamellibranches |
Arca concinna |
Nucula oppeli |
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Gastéropodes |
Turitella ebersteine |
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Céphalopodes |
– Nautiles – Bélemnites : – Ammonites : |
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Creniceras renggeri |
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Taramelliceras richei |
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Hecticocéras suevum |
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Hecticocéras matheyi |
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Hecticoceras ressiense |
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Hecticocéras coelatum |
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Peltoceras annulare |
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Perisphinctes bernensis |
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Cosmoceras ornatum |
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Quenstedtoceras lamberti |
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Quenstedtoceras mariae |
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Cardioceras praecordatum |
3- Evolution chez les Cardioceratidés
Au sein du gisement, on assiste au remplacement progressif de Quenstedtoceras mariae par Cardioceras praecordatum.
Ce passage est marqué par un applatissement de la section :
– chez Quenstedtoceras mariae, on a une section pratiquement circulaire ;
– chez Cardioceras praecordatum la section devient plus haute que large.
De plus, chez Cardioceras praecordatum il apparaît un caractère nouveau, propre aux cardiocératidés : il apparaît une véritable carène. D’abord faible chez Cardioceras praecordatum elle va s’accentuer au fur et à mesure qu’on monte dans la stratigraphie, pour aboutir à la carène typique de Cardioceras cordatum (pour suivre l’évolution des cardioceratides, j’ai complété les données de Mathay par l’étude des fossiles de Présentevillers. En effet, Cardioceras cordatum n’est pas présent à Mathay).
4- Datation des terrains rencontrés
Des fossiles stratigraphiques comme Creniceras renggeri, Cardioceras praecordatum nous situent le gisement de Mathay à la base de l’Oxfordien inférieur : les marnes à Créniceras renggeri.
Quenstedtoceras lamberti est un fossile stratigraphique qui caractérise la zone terminale du Callovien : la zone à Lamberti.
Etage |
Zone |
Sous-zone |
Assemblage faunique correspondant |
Oxfordien inférieur |
Mariae |
Praecordatum |
Perisphinctes bernensis |
Scarbugense |
Quenstedtoceras mariae |
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Callovien supérieur |
Lamberti |
5- Le milieu de vie des fossiles récoltés
La reconstitution des milieux anciens repose sur les données fournies par les fossiles de faciès et la lithologie.
La présence de marnes indique une sédimentation marine, calme, terrigène. Ce domaine océanique est également confirmé par une faune exclusivement marine.
L’inventaire des fossiles montre une faune abondante et diversifiée, signes d’une intense activité biologique dans ce bassin de sédimentation.
L’ornementation des ammonites est relativement bien conservée. Les conditions de fossilisations étaient donc très favorables. Les restes d’organismes ont été mis à l’abri d’une oxydation par un enfouissement rapide. La sédimentation devait être très importante.
Au sein du gisement, les ammonites sont disposées parallèlement au plan de la stratification, les rostres de Belemnites se retrouvent également dans ces plans, sans orientation particulière : le milieu était donc calme et le fond du bassin de sédimentation devait être subhorizontal.
La faune benthique (gastéropodes, lamellibranches, échinodermes) indique une profondeur des eaux relativement faible : les particules argileuses à l’origine des marnes à Creniceras renggeri se seraient déposées sous une tranche d’eau ne devant pas dépasser 40 à 50 m.
Un grand nombre des fossiles sont à l’état pyritisé. La pyrite indique un milieu réducteur, euxinique dans les sédiments.
Dans ces conditions, la vie sur les fonds sous-marins devait être assez rare (il faut noter ici le nombre restreint d’espèces benthiques récoltées).
Il devait donc exister une stratification des eaux :
– au fond, une eau peu oxygénée peuplée par une faune benthique relativement pauvre;
– surmontée par des eaux plus riches en dioxygène où des formes nectoniques très abondantes se déplaçaient.
La pyrite est également un indicateur climatique : elle précipite dans des mers chaudes sous une faible tranche d’eau. Ce climat tropical est confirmé par la présence d’0ppeleidés, ammonites caractéristiques de ces mers chaudes
C. Histoire locale et tectonique des plaques
Au Jurassique on assiste à la dislocation de la Pangée, méga continent qui s’est mis en place à la fin du paléozoïque, avec l’ouverture de l’océan Téthys qui sépare l’Europe de l’Afrique.
Au cours de l’Oxfordien, il y a environ 250 Ma, la région Franche Comté est alors occupée par une mer épicontinentale. Cette mer tropicale, siège d’une intense activité biologique singulière, recueille alors les restes des organismes morts et les produits d’altérations des terres avoisinantes.